L'accent
De l'accent, de l'accent, mais après tout en ai-je
Pourquoi cette faveur; Pourquoi ce privilège ?
Et si je vous disais à mon tour, gens du nor
Que c'est vous, qui pour nous semblez l'avoir très fort.
Que nous disons de vous , du Rhône à la gironde,
"Ces gens là ! n'ont pas le parler de tout le monde;"
Et que tout dépendant de la façon de voir,
Ne pas avoir d'accent, pour nous c'est en avoir.
Et bien NON ! Je blasphème, et je suis las de feindre
Ceux qui n'ont pas d'accent, je ne peux que les plaindre.
Emporter de chez soi son accent familier
C'est emporter un peu sa terre à ses souliers.
Emporter son accent d'Auvergne ou de Bretagne
C'est emporter un peu sa lande ou sa montagne
Lorsque loin de chez soi, le coeur gros on s'enfuit
L'Accent, mais c'est un peu le pays qui vous suit
C'est un peu, cet accent, invisible bagage,
Le parler de chez soi, qu'on emporte en voyage;
C'est pour le malheureux à l'exil obligé
Le patois qui déteint sur les mots étrangers.
Avoir l'accent ! enfin ! C'est chaque fois qu'on cause
Parler de son pays, en parlant d'autre chose.
NON ! je ne rougis pas de mon fidèle accent
Je veux qu'il soit sonore, et clair, retentissant,
Et m'en aller tout droit, l'humeur toujours pareille
En portant mon accent fièrement sur l'oreille.
Mon accent ! Il faudrait l'écouter à genoux,
Il nous fait emporter la Provence avec nous,
Et fait chanter sa voix dans tous mes bavardages
Comme chante la mer au fond des coquillages.
ÉCOUTEZ ! En parlant je plante le décor
Du torride midi dans les brumes du nord.
Mon accent porte en soi d'adorables mélanges
D'effluves d'orangers et de parfum d'oranges.
Il évoque à la fois les feuillages bleu-gris,
De nos chers oliviers aux vieux troncs rabougris,
Et le petit village où les treillent splendides
Éclaboussent de bleu la blancheur des bastides.
Cet accent là, mistral, cigales et tambourins
Et quand vous l'entendez, chanter dans mes paroles
Tous les mots que je dis DANSENT la FARANDOLE !!!!!!!!!!........
Miguel ZAMACOIS
C'est pendant l'été 1951 (juste après le tournage de Don Camillo) que l'on voit la sortie d'un disque "Recueil" de chansons de Fernandel. Au verso de la pochette du disque, on trouvera un des plus beaux poèmes jamais enregistrés par le comédien, extrait de "La fleur merveilleuse", et dont Miguel Zamacoïs (1866-1955) est l'auteur.